Dossier / Gaz : Les leçons de la crise
BULGARIE • Otages des caprices du Kremlin
A Sofia, ce sont ceux qui ont le plus œuvré au rapprochement énergétique avec Moscou qui vont faire les frais de la crise.
Sergueï Stanichev s’est réveillé. “Moscou est un partenaire commercial imprévisible”, a admis le Premier ministre bulgare à propos de la crise du gaz. Il se trouve que c’est précisément son cabinet qui a scellé la dépendance totale de la Bulgarie à l’égard des livraisons d’hydrocarbures en provenance de Russie. A l’époque, il avait repris la célèbre déclaration de l’ancien ministre de l’Energie Roumen Ovtcharov selon laquelle “il faut accroître l’indépendance énergétique de la Bulgarie vis-à-vis de la Russie, en approfondissant la dépendance mutuelle des deux pays”. Les événements des derniers jours, qui ont été marqués par un arrêt total des livraisons de gaz russe, ont démontré l’absurdité d’une telle idée.
Rappelons les faits. A cause d’un différend commercial entre l’Ukraine et la Russie portant sur le prix du combustible et les frais de transit, le Premier ministre Vladimir Poutine a ordonné, le 5 janvier, une baisse de 18 % de la quantité de gaz destinée à l’Europe transitant par le territoire ukrainien, un chiffre qui correspondrait à la quantité de gaz “volé” par les Ukrainiens. Le lendemain, les livraisons étaient totalement interrompues. Cela a immédiatement affecté plusieurs pays des Balkans et d’Europe centrale et orientale.
En Bulgarie, la situation est devenue rapidement catastrophique parce que le pays ne dispose d’aucun plan B en matière d’approvisionnement. Ses capacités de stockage sont aussi très faibles. C’est ainsi que la Bulgarie est devenue, avec la Slovaquie, le pays le plus touché par la crise dans l’Union européenne. La pénurie de gaz a touché de plein fouet l’industrie et, de là, l’économie du pays. Quelque 600 000 foyers sont restés sans chauffage en plein hiver. Les pertes sont estimées à quelque 600 millions de leva [300 millions d’euros].
Qui doit-on blâmer ? Pour les consommateurs bulgares, il importe peu de savoir qui, des Ukrainiens ou des Russes, est coupable et s’il s’agit d’un conflit économique ou politique. Ce qui est important pour eux est qu’ils sont des clients irréprochables de l’entreprise d’Etat Bulgargaz, laquelle, de son côté, a des contrats en bonne due et forme avec Gazprom et s’est acquittée par avance du montant des livraisons. Lorsque l’économie entière d’un pays, son système d’éducation, de santé et ses habitants se retrouvent otages d’un seul pays, il s’agit certainement d’une forme extrême de dépendance. L’ironie du sort veut que ce soit le gouvernement du socialiste Sergueï Stanichev [il est lui-même né en URSS et est issu d’une famille de hauts fonctionnaires communistes], qui a le plus œuvré pour lier Sofia à Moscou dans tous les secteurs de l’énergie [gaz, pétrole et nucléaire], qui en fasse les frais aujourd’hui [des manifestations pour protester contre la gestion de la crise sont prévues à Sofia à partir du 15 janvier]. La crise du gaz version 2009 aura servi au moins à ça.
Galina Alexandrova
Kapital